
Comedy, Comedy, Comedy, Drama
par Bob Odenkirk
On pourrait croire qu’il n’y a rien de plus classique qu’un mémoire d’acteur. Souvent, ces récits se contentent d’un enchaînement d’anecdotes, de souvenirs de plateau et de confidences plus ou moins intimes. Comedy Comedy Comedy Drama, l’autobiographie de Bob Odenkirk, déjoue complètement ce cliché. À l’image de son auteur, elle surprend, déroute, fait rire et réfléchir dans le même mouvement.
J’ai découvert Bob Odenkirk tardivement, à rebours de la plupart des spectateurs. Ni par Mr. Show, cette pépinière culte de l’humour américain, ni par Breaking Bad, où son personnage de Saul Goodman a marqué l’histoire de la télévision, ni même par Better Call Saul, sa consécration dramatique. Mon premier contact fut Nobody, ce film d’action où Odenkirk, contre toute attente, transforme la violence en un ballet cathartique et parvient à la rendre étrangement drôle. Ce jour-là, j’ai compris qu’il y avait un univers entier à explorer derrière ce visage que je croyais découvrir pour la première fois.
Le livre a été une immersion fulgurante dans cet univers. Plus qu’un simple récit de carrière, il s’apparente à un parcours initiatique sur les thèmes de la créativité, de l’échec et de la réinvention. Odenkirk raconte son chemin avec une honnêteté désarmante, ponctuée d’un humour sec, chirurgical, qui éclate dans les pages comme une réplique bien placée au milieu d’un silence. On rit, souvent, parfois bruyamment dans un transport bondé. Puis, sans prévenir, une phrase nous arrête : « L’échec n’est pas l’opposé du succès, il en est l’ingrédient essentiel. » On referme alors le livre quelques instants, pour mesurer le poids de cette vérité.
Le style d’Odenkirk n’est pas celui d’un homme qui cherche à se construire une légende. C’est celui d’un artisan de la comédie, lucide sur ses succès comme sur ses ratés. Son récit alterne maladresses charmantes et fulgurances philosophiques. Il nous rappelle que la seule voie valable est de faire ce que l’on aime, quitte à y laisser quelques plumes.
Mais ce qui rend ce livre marquant, c’est sa capacité à agir comme un catalyseur. Au-delà du rire et des confidences, il donne envie de créer, de se réinventer. J’ai moi-même ressorti un vieux scénario abandonné, poussé par cette voix singulière qui mélange la désinvolture d’un humoriste et la gravité d’un philosophe malgré lui.
Comedy Comedy Comedy Drama n’est donc pas qu’un mémoire. C’est une déclaration de principes, une leçon de persévérance et de liberté créative. Et pour quiconque, comme moi, arrive tard à la fête Odenkirk, la porte d’entrée est grande ouverte. Bob nous accueille avec une vanne sèche et un clin d’œil. On se dit alors qu’il n’y avait pas de meilleur moment pour le rejoindre.