
L’or de nos lendemains
par Marie Havard
Marie Havard signe avec L’or de nos lendemains un roman à la fois bouleversant et lumineux, où la quête de soi s’écrit sur fond d’amnésie, de maternité impossible et d’espérance retrouvée. L’autrice, déjà connue pour Les Larmes du Lac, poursuit ici son exploration des émotions humaines avec une sensibilité qui touche au cœur.
Dès le prologue, on est happé par une scène d’amour maternel d’une pureté rare. Puis, sans prévenir, le récit bascule dans l’ombre : une femme se réveille d’un coma, sans souvenirs, et doit reconstruire sa vie pièce par pièce. Ce contraste entre la promesse d’un bonheur parfait et la brutalité de la perte est le moteur émotionnel du roman, une métaphore subtile du deuil, du retour à soi et du pouvoir de la résilience.
Marie Havard écrit comme on peint, par petites touches sensibles, jusqu’à ce que la toile prenne vie. Sa langue, à la fois fluide et soignée, oscille entre réalisme hospitalier et élans poétiques. On y retrouve sa marque de fabrique : cette délicatesse du détail, cette empathie qui traverse les personnages et rend chaque émotion palpable.
Certains passages, notamment la redécouverte du corps, la rencontre avec les parents ou encore la scène au bord de la mer, sont d’une justesse désarmante. Ils rappellent combien la simplicité peut contenir tout un monde d’émotions lorsqu’elle est écrite avec authenticité.
Le récit prend son temps, et c’est sans doute là sa force autant que sa fragilité. L’autrice privilégie l’introspection à l’action, le murmure au cri. Ce choix narratif crée une atmosphère intimiste où chaque geste compte, mais il pourrait aussi, pour certains lecteurs impatients, paraître un peu lent dans le premier tiers du livre.
Mais cette lenteur, loin d’être un défaut, épouse parfaitement le thème du réveil. On ne sort pas du coma en courant. On réapprend à marcher, à sentir, à aimer. Havard traduit ce processus avec une pudeur et une vérité psychologique remarquables.
L’un des fils conducteurs les plus émouvants du roman réside dans la tension entre ce qu’on tait et ce qu’on se rappelle. Le lecteur avance avec Anne, la protagoniste, dans un labyrinthe de non-dits, jusqu’à une révélation poignante qui transforme tout ce qu’on croyait savoir. Ce dévoilement, lorsqu’il survient, frappe en plein cœur sans jamais tomber dans le mélodrame. L’autrice maîtrise l’art du juste ton. Elle fait pleurer sans forcer, elle fait réfléchir sans prêcher. Le drame devient ici un chemin vers la paix, non vers la douleur.
Ce roman est traversé par un souffle de bienveillance. Derrière le récit d’une femme blessée, c’est une ode à la vie, à la maternité, à la reconstruction et à la foi en l’avenir. L’or du titre n’est pas celui qu’on cherche, mais celui qu’on trouve en soi, une fois qu’on a tout perdu. On sent d’ailleurs chez Marie Havard un rapport très personnel à la guérison et à la mémoire : elle écrit non pas pour raconter, mais pour réparer. Chaque chapitre semble dire au lecteur : « regarde, la lumière existe encore ».
L’or de nos lendemains est un roman d’émotion pure, porté par une écriture sincère et enveloppante. Si l’on pouvait souhaiter un peu plus d’audace dans la structure ou de densité dans certains dialogues, on ne peut qu’admirer la cohérence de l’ensemble et la profonde humanité du propos.
C’est un livre qui fait du bien, vibrant d’humanité, sans jamais céder au sentimentalisme. Un roman de renaissance, écrit par une autrice qui connaît la fragilité des cœurs et la beauté de leur réparation.
En une phrase : un récit de résilience et de tendresse, où la mémoire se reconstruit au rythme du cœur et où chaque douleur devient promesse de lumière.